Justice climatique contre injustice du climat

Publié le par checks and balances

Par Eric Eustache, président de Little Green Capital et Directeur général de Kinomé

La question de la justice climatique est un problème difficile à apprécier pour nous, gens du Nord, riches, bien portants et encore peu impactés par les manifestations du changement climatique. Bien sûr nous avons eu notre lot de drames : hécatombe de l’été 2003, baisse régulière des pluies dans le middle-west américain ou incendies géants en Espagne, en Californie ou en Grèce. Mais ces incidents, aussi graves qu’ils aient été, n’ont finalement rien changé à nos modes de vie ni à notre qualité de vie. Pour l’habitant des villes, le seul inconfort perceptible c’est la chaleur, l’été, dans son appartement, contre laquelle il lutte maintenant avec un climatiseur (et tant pis pour le CO2). Quant au paysan du Sud-Ouest, il sait qu’il ne devrait plus arroser en plein soleil et qu’il faut remplacer le maïs par le millet, plus adapté à la sécheresse.

Mais dans toutes les zones intertropicales sèches, les choses sont bien différentes. Avec l’évolution du climat, le régime des pluies a souvent perdu de sa vigueur et, surtout, sa régularité, rendant les savoirs-faire agricoles traditionnels inopérants. Dans les zones sahéliennes au sud du Sahara, l’agriculture est extraordinairement dépendante de la qualité (durée, intensité, régularité) de la saison des pluies. Les paysans doivent assurer leur approvisionnement en nourriture, pour l’année entière, en seulement 4 mois. Leur vie dépend donc de cette récolte unique : car il ne tombera plus de pluie pendant les 6 à 8 mois suivants. Si la récolte annuelle est insuffisante, des populations entières souffriront de la faim au moment de la soudure, l’année suivante.

La notion de « soudure alimentaire » nous est devenue complètement étrangère (hors nos manuels d’Histoire). Elle correspond à la période où les réserves de nourriture produites l’année précédente sont consommées, alors que la nouvelle récolte n’est pas encore mûre. La soudure arrive toujours au pire moment : celui du pic de travaux des champs (préparation de la terre et plantation). Des journées de travail harassant, en plein soleil et le ventre vide. On ne s’étonnera pas que ce soit aussi l’époque du « pic des maladies ». La souffrance des gens, à cette période, est immense. Immense et silencieuse : rien ni personne n’en fait jamais écho dans nos journaux télévisés.

Ce problème concerne des centaines de millions de petits paysans, parmi les plus pauvres du monde. Une réalité qui relève d’une injustice profonde : car ces populations sont celles qui ont le moins contribué au réchauffement climatique. Nous avons donc envers elles un éminent devoir de responsabilité et de solidarité. C’est ce que les négociateurs du Sud devront essayer de faire admettre à leurs interlocuteurs du Nord à Copenhague. Entre petits fours et hôtels 4 étoiles.

Publié dans démocratie

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